SNAP Canada

Des organisations accueillent favorablement l’enquête internationale sur l’état du parc national Wood Buffalo, le plus grand parc national du Canada, qui fait face à d’importantes menaces

Le 17 août 2022, Edmonton (Alberta), Traité n° 6 et Région n° 4 de la Nation métisseDes organisations autochtones et des organisations de la société civile de tout le Canada accueillent favorablement une enquête sur l’état écologique du parc national Wood Buffalo, un site du patrimoine mondial de l’UNESCO et le plus grand parc national du Canada. Dans une lettre ouverte commune (jointe ci-dessous), les groupes appellent les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à travailler ensemble et avec les gouvernements autochtones en vue d’agir de façon déterminante et immédiate pour sauver le parc avant qu’il ne soit trop tard.

L’enquête, officiellement appelée « mission de suivi réactif », doit commencer plus tard cette semaine. Pendant dix jours, les responsables de la mission visiteront le parc et procéderont à une évaluation complète sur le terrain afin de déterminer si le parc remplit les conditions requises pour recevoir l’inscription à la liste des sites du patrimoine mondial en péril.

Le parc national Wood Buffalo n’en est pas à sa première mission de suivi réactif. La première a été effectuée en 2016 et a mené à un rapport contenant plusieurs recommandations visant à remédier au déclin de la santé du parc. En juillet 2021, le Comité du patrimoine mondial a déterminé que la détérioration persistante de l’état de ce parc national pourrait justifier son inscription officielle à la liste des sites du patrimoine mondial en péril. Cette deuxième enquête vise à déterminer si les conditions continuent de se détériorer et si la réponse du Canada a été adéquate.

Malgré d’importants investissements et la création d’un plan d’action, la situation du parc demeure désastreuse. Le gouvernement fédéral a investi 88 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer les perspectives du parc et pour aider à affronter les nombreuses menaces. Malheureusement, ces dernières restent graves, aux dires de nombreux groupes autochtones et organismes de la société civile.

« L’un des principaux défis est le fait que de nombreuses menaces proviennent de l’extérieur du parc, explique Gillian Chow-Fraser, de la SNAP Alberta nord. Les effets néfastes des projets de sables bitumineux de l’Alberta et des projets hydroélectriques de la Colombie-Britannique, comme le site C, se répercutent en aval jusqu’au parc, et affectent ainsi les eaux, les écosystèmes et les communautés qui dépendent de la santé du delta Paix-Athabasca. »

Des efforts supplémentaires sont également nécessaires pour aborder la gouvernance de l’eau, parvenir à une cogestion avec les communautés autochtones et prolonger les engagements de financement après 2024.

« Malgré les engagements en faveur de la cogestion avec les communautés autochtones et la mise en place d’un processus visant à développer la gouvernance de l’eau, les progrès ont été lents alors que les menaces demeurent ou augmentent. Cela doit changer », déclare Mme Chow-Fraser.

« L’enquête révèle les défis continus auxquels le parc est confronté aujourd’hui, affirme Kecia Kerr, de la SNAP Alberta nord. Le delta Paix-Athabasca de Wood Buffalo est l’un des plus grands deltas d’eau intérieure au monde, il abrite des millions de plantes et animaux – dont de nombreux oiseaux migrateurs –, et stocke d’énormes quantités de carbone. Il est donc essentiel de protéger sa santé si nous souhaitons affronter la double crise des changements climatiques et de la perte de biodiversité. »

Le rapport de la mission devrait paraître début 2023, juste après la 15e Conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur la biodiversité, qui se tiendra à Montréal, et qui réunira les experts du monde entier. L’événement portera sur la protection de la nature et sur l’arrêt et le renversement de la perte de biodiversité dans le monde. Il s’agira d’une occasion pour les gouvernements provinciaux et fédéral de s’engager à prendre les mesures nécessaires pour résoudre les menaces majeures qui pèsent sur ce parc national d’importance mondiale.

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CONTACT POUR LES MÉDIAS :

Gillian Chow-Fraser, SNAP Alberta nord
[email protected]
780 777-0715


LETTRE OUVERTE

La lettre ouverte suivante a été envoyée aux responsables de la mission de suivi réactif le 17 août 2022, au nom de quinze organisations de la société civile et groupes autochtones : la section albertaine de la Wildlife Society (ACTWS), l’Alberta Wilderness Association, la Première Nation Athabasca Chipewyan, la section albertaine de la Canadian Association of Physicians for the Environment, le bureau national du Conseil des Canadiens, la SNAP Colombie-Britannique, la SNAP Canada, la SNAP Alberta nord, la SNAP Territoires du Nord-Ouest, la Fondation David Suzuki, l’International Buffalo Relations Institute, les Keepers of the Water, Nature Alberta, la ShagowAskee Foundation et la Wildlife Conservation Society Canada.

Le 17 août 2022

Objet : Des groupes de tout le Canada accueillent favorablement une enquête internationale sur l’état du parc national Wood Buffalo, le plus grand parc national du Canada, qui fait face à d’importantes menaces 

Chers responsables de la mission de suivi réactif de l’UICN/Centre du patrimoine mondial pour le parc national Wood Buffalo,

Au nom de quinze groupes autochtones et organisations de la société civile, nous vous écrivons pour exprimer notre préoccupation collective face à la détérioration des valeurs universelles exceptionnelles (VUE) du parc national Wood Buffalo, un site du patrimoine mondial, et pour manifester notre accord avec la décision 44 COM 7B.190 du Comité du patrimoine mondial, selon laquelle le parc répond probablement aux critères d’inscription sur la liste des sites du patrimoine mondial en péril.

On ne saurait trop insister sur les valeurs universelles exceptionnelles du parc national Wood Buffalo, des valeurs inégalées à l’échelle mondiale et profondément liées à la relation qu’entretiennent les peuples autochtones avec la région.

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Les valeurs universelles exceptionnelles du parc national Wood Buffalo (ci-après, le parc), protégées en vertu de la Convention du patrimoine mondial, revêtent une importance internationale. Elles comprennent notamment l’un des plus grands deltas boréaux au monde, soit le delta Paix-Athabasca; l’habitat de reproduction de la grue blanche, une espèce en voie de disparition; l’une des plus grandes concentrations d’oiseaux migrateurs en Amérique du Nord; une énorme réserve de carbone importante pour la lutte contre les changements climatiques; et une relation sauvage sans pareil entre les loups et les populations de bisons des bois menacées.

Plus de cinq ans après la dernière mission de suivi réactif, l’avenir du parc national Wood Buffalo demeure incertain.

Malheureusement, bon nombre des caractéristiques qui ont motivé l’inscription du parc à la liste du patrimoine mondial sont en grave déclin et/ou ont grandement souffert en raison de facteurs de stress non résolus provenant de l’extérieur du parc. Les dangers qui pèsent sur le parc sont considérablement exacerbés par l’absence continue de systèmes de gestion adéquats et efficaces des principales menaces connues, soit les changements climatiques, les projets hydroélectriques sur la rivière de la Paix et les activités liées aux sables bitumineux le long de la rivière Athabasca.

La réalité actuelle du parc : des menaces majeures sans réponse majeure

Bien que nous félicitions l’Agence Parcs Canada, le représentant du Canada en tant qu’État partie à la Convention du patrimoine mondial, d’avoir élaboré un plan d’action pour le parc national Wood Buffalo, l’Agence n’a pas empêché l’émergence de nouvelles menaces majeures pour le parc et n’a mis en place aucune amélioration importante en ce qui concerne la gouvernance de l’eau ni aucune réforme nécessaire à la conservation du parc. Nous notons particulièrement :

  • Les menaces associées aux résidus et aux effluents des sables bitumineux ont augmenté. Malgré des preuves de déversements, le caractère inadéquat du suivi réglementaire et les risques pour les valeurs universelles exceptionnelles, les bassins de résidus en amont du parc continuent de prendre de l’ampleur. Les gouvernements provincial et fédéral envisagent maintenant de modifier les règlements de protection liés à la gestion des résidus afin d’autoriser le rejet des « eaux affectées par le processus » dans l’un des principaux affluents du delta Paix-Athabasca, ce qui pourrait nuire aux eaux et aux communautés en aval, y compris dans les Territoires du Nord-Ouest, qui n’ont pas été inclus dans les discussions.
  • Les gouvernements provinciaux négligent continuellement de prendre des mesures pour contrer les menaces qui pèsent sur le parc national Wood Buffalo et autorisent l’émergence de nouvelles menaces dans des zones importantes. Le parc national Wood Buffalo est continuellement menacé par le manque de coordination des gouvernements infranationaux de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Bien que plusieurs éléments du plan d’action dépendent de l’action de ces gouvernements provinciaux, aucun des deux ne s’est engagé à adopter des mesures correctives. Au contraire, les décisions de gestion provinciales continuent de menacer le parc sans égard aux impacts en aval sur le parc national Wood Buffalo :
    • Le gouvernement de l’Alberta fait avancer une proposition visant à autoriser le rejet d’importants volumes de résidus de sables bitumineux traités dans la rivière Athabasca, malgré l’absence de preuves quant à la sécurité de tels rejets;
    • L’évaluation environnementale stratégique de 2018 confirme que les sables bitumineux ont eu des effets néfastes sur le parc national Wood Buffalo en aval. Malgré cela, l’agence de réglementation de l’énergie de l’Alberta a délivré 484 baux à des projets dans les sables bitumineux (qui couvrent une superficie de 563 000 hectares) et approuvé plus de 100 schémas (ou projets) de sables bitumineux depuis la dernière mission en 2016. La mine Horizon North Pit de la Canadian Natural Resources Limited (CNRL) et la mine de base de Suncor sont toutes deux en expansion, ce qui pourrait mener à la création de plus de 33 000 hectares de nouvelles mines;
    • Le plan d’aménagement du territoire du gouvernement de l’Alberta (via les « plans sous-régionaux ») continue de faciliter l’expansion des sables bitumineux, ce qui représente une menace pour le parc. Depuis la mission de 2016, aucune amélioration n’a été apportée au plan d’utilisation des terres qui régit l’exploitation des sables bitumineux, malgré le rapport d’une commission d’examen indépendante qui a confirmé que ce plan ne parvient pas à gérer les effets cumulatifs[2];
    • Le gouvernement de la Colombie-Britannique et BC Hydro n’ont pas encore établi de mécanismes de libération de l’eau sur la rivière de la Paix, malgré une apparente volonté de collaboration de leur part;
    • Le gouvernement de la Colombie-Britannique a réaffirmé sa volonté de construire le barrage hydroélectrique du site C sur la rivière de la Paix, alors qu’aucune étude d’impact n’a pris en compte de manière adéquate les répercussions en aval sur le parc national Wood Buffalo. En outre, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale a demandé au gouvernement de la Colombie-Britannique de suspendre la construction en raison des violations des droits des Autochtones[3].
  • Aucun gouvernement n’a engagé de ressources pour la mise en œuvre du plan d’action au-delà de 2024. Ainsi, des actions de conservation essentielles à court, moyen et long terme n’ont pas le soutien dont elles ont besoin. De plus, ce manquement empêche la planification des grandes opérations nécessaires à la conservation du parc, notamment l’amélioration et le renforcement de la cogestion du parc avec les communautés autochtones.
  • En violation des exigences législatives, le Canada accuse des années de retard relativement à son obligation d’examiner et de mettre à jour le plan de gestion du parc national Wood Buffalo de 2010. Ce retard illustre les nombreux défis de gestion et d’exploitation ainsi que les limites de capacité auxquels le parc demeure confronté, y compris les réductions drastiques de personnel et de budget d’exploitation depuis 2012.
  • Les mesures de conservation du bison des bois progressent lentement pour les troupeaux entourant le parc. Le gouvernement de l’Alberta a franchi une étape importante en inscrivant le bison des bois sur la liste des espèces « menacées » en vertu de l’Alberta Wildlife Act, mais les plans de rétablissement avancent lentement, et les troupeaux du lac Ronald et de Wabasca demeurent vulnérables aux menaces. L’adoption des mesures de protection est lente, car le Canada n’a pas encore établi d’« habitat essentiel » pour l’un ou l’autre des troupeaux, et le processus pour Wabasca n’a même pas encore commencé. Une compagnie pétrolière, CNRL, continue de dire qu’elle compte développer l’habitat du lac Ronald, malgré le fait que le ministre fédéral de l’Environnement ait conclu que cela constituerait un danger imminent pour le rétablissement du troupeau menacé.
  • Le système de surveillance des sables bitumineux du Canada est loin d’être de « classe mondiale ». Le programme conjoint fédéral-provincial de surveillance des sables bitumineux (OSM) comporte d’importantes faiblesses qui ont été révélées par des fuites de documents et par des représentants du secteur environnemental au sein du programme. Le secteur de l’environnement a participé au programme OSM depuis sa création en 2012 par l’intermédiaire de ses comités consultatifs techniques et a soulevé des inquiétudes quant à l’efficacité du programme pendant le mandat des comités. Le programme est mal conçu et n’accorde aucune priorité à une surveillance environnementale robuste et transparente. Le programme met en évidence le manque continu de suivi adéquat des activités liées aux sables bitumineux, qui ont pourtant un impact négatif avéré sur le parc.
  • Les gouvernements n’impliquent pas suffisamment la société civile et le secteur environnemental. Les gouvernements ont largement exclu les organisations de la société civile et les avis scientifiques indépendants de tous les domaines du plan d’action du parc national Wood Buffalo, ce qui nous préoccupe grandement.
  • Il n’y a pas eu de changement ou d’amélioration de la gouvernance de l’eau sur les principaux affluents qui soutiennent les valeurs universelles exceptionnelles du parc. Comme l’a déclaré le Comité dans la décision 44 COM 7B.190, nous réitérons qu’« il est très préoccupant de constater que, six ans après la mission de suivi réactif de 2016, les mécanismes permettant de déterminer et de convenir de la régulation des débits environnementaux, tels que recommandés par la mission et approuvés par le Comité dans sa décision 41 COM 7B.2, ne sont toujours pas en place, sans parler de protocoles ou de cadres contraignants. » Les structures de gouvernance de l’eau seront essentielles pour répondre à la vision de cogestion des communautés autochtones dans le parc.
  • Les lacunes énoncées dans la lettre conjointe du 14 juillet 2021 des organisations de la société civile et des communautés autochtones (en anglais) au Centre du patrimoine mondial n’ont pas été résolues.

À la lumière de la santé dégradée du parc, des dangers graves et clairs qui continuent de menacer le parc, et des défis importants qui sapent les composantes majeures du plan d’action du parc national Wood Buffalo, nous sommes d’accord avec la décision 44 COM 7B.190 et croyons qu’il existe des arguments solides et bien étayés qui justifient l’inscription du parc sur la liste des sites du patrimoine mondial en péril jusqu’à ce qu’une action de conservation rapide et adéquate soit prise, et que les menaces à cet écosystème d’importance mondiale aient été résolues.

Sincères salutations,

Section Alberta de la Wildlife Society
Alberta Wilderness Association
Première Nation Athabasca Chipewyan
Canadian Association of Physicians for the Environment – Comité régional de l’Alberta
Conseil des Canadiens
SNAP Colombie-Britannique
SNAP Canada
SNAP Alberta nord
SNAP Territoires du Nord-Ouest
Fondation David Suzuki
International Buffalo Relations Institute
Keepers of the Water
Nature Alberta
ShagowAskee Foundation
Wildlife Conservation Society Canada

[1] Jalon n°3 – Rapport définitif d’ESS : Évaluation environnementale stratégique du site du patrimoine mondial du parc national Wood Buffalo – Sommaire. Mai 2018. Independent Environmental Consultants (IEC). https://www.pc.gc.ca/fr/pn-np/nt/woodbuffalo/info/action/SEA_EES/bulletin

[2] Lower Athabasca Regional Plan Review Panel, 2015. “Review panel report 2015 : Lower Athabasca Regional Plan” https://open.alberta.ca/publications/review-panel-report-2015-lower-athabasca-regional-plan

[3] “United Nations instructs Canada to suspend Site C dam construction over Indigenous rights violations” by Sarah Cox, the Narwhal. Le 9 janvier 2019. https://thenarwhal.ca/united-nations-instructs-canada-to-suspend-site-c-dam-construction-over-indigenous-rights-violations/

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INFORMATIONS GÉNÉRALES

La mission de suivi réactif mènera son enquête sur place dans le parc national Wood Buffalo du 18 au 26 août 2022. Au cours de cette visite, les responsables de la mission rencontreront des représentants du gouvernement, de la communauté et de la société civile à Edmonton, Fort Smith et Fort Chipewyan. Le rapport final de la mission, qui paraîtra dans les mois suivant la visite, comprendra possiblement une recommandation visant à inclure Wood Buffalo dans la liste du patrimoine mondial en péril. La décision d’inscrire Wood Buffalo sur la liste sera prise lors de la prochaine rencontre du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO.