Pour ouvrir la voie à une véritable action en faveur du climat, nous devons rétablir une bonne relation avec les lieux que nous habitons et d’où nous venons.
PAR SHAUNA YEOMANS-LINDSTROM, JEWEL DAVIES Le 7 décembre 2022
L’un des aspects les plus enrichissants de la participation à des conférences est le réseautage. Les liens à établir, la diversité des personnes à rencontrer et la richesse des enseignements à rapporter chez nous. Tout cela, en plus de pouvoir vivre cette expérience ensemble.
La Conférence des Parties de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, également connue sous le nom de COP 15, débute à Montréal le 7 décembre. Nous espérons qu’un espace important sera consacré aux voix autochtones, jeunes et moins jeunes. Nous voyons les changements climatiques sous un angle relationnel et, en tant que Premières Nations du Nord, nous sommes ravies de partager notre message et notre vision du monde.
Pour nous, les engagements comme l’initiative « 30X30 » du gouvernement fédéral – protéger 30 % des terres et des eaux du Canada d’ici 2030 – constituent une opportunité et un simple point de départ. Ces engagements sont ancrés dans une perspective occidentale, ce qui signifie qu’ils ont tendance à accorder trop d’importance aux mesures quantitatives, à cloisonner les questions et à se concentrer sur les symptômes d’un problème plutôt que sur ses causes profondes. C’est un peu comme envisager l’industrie des véhicules électriques sans tenir compte des opérations minières massives nécessaires à la fabrication des batteries. Selon nous, la question qu’il faudrait se poser pour aller au fond des choses dans cet exemple serait la suivante : pourquoi dépendons-nous tant de la propriété individuelle des véhicules, plutôt que de miser sur le transport partagé ou public?
Les mesures climatiques prises dans un système qui voit les êtres humains comme déconnectés de la terre et les uns des autres sont vouées à être malsaines et injustes pour tous. Nous sommes tous intrinsèquement liés à cette planète. Nos cultures des Premières Nations ont su conserver ce lien, malgré des générations de colonisation. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de cette prise de conscience pour ouvrir la voie à une véritable action en faveur du climat, une action qui nous ramène finalement à une bonne relation avec les lieux que nous habitons et d’où nous venons.
C’est pourquoi nous travaillons depuis un an et demi au sein de notre communauté d’action climatique des Premières Nations du Yukon (Yukon First Nations Climate Action Fellowship) à l’élaboration d’une vision et d’un plan d’action sur le climat. Le message principal que nous avons décidé de faire passer est le suivant : « La reconnexion est une action climatique ». En d’autres termes, les changements climatiques viennent de la déconnexion entre les différentes parties de l’être humain, entre les êtres humains eux-mêmes et entre l’être humain et le territoire. Vous pouvez consulter notre projet de plan, qui paraîtra en février 2023, à l’adresse yfnclimate.ca/yfnrvap.
Nous participons à la COP 15 en tant que représentantes de notre communauté et en relation avec la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Canada), section du Yukon. Nous sommes très enthousiastes à l’idée de rencontrer des Autochtones du monde entier et d’insister sur l’importance de préserver la diversité de façons d’être, de connaître et de faire. Les conversations sur la rééducation et l’équité nous intéressent grandement.
J’ai grandi dans la communauté de la Première Nation Tlingit de Taku River. Je me souviens qu’en me rendant à la première rencontre de notre Fellowship, j’ai réalisé que la route était celle que ma grand-mère avait empruntée lorsqu’on l’avait emmenée aux pensionnats. Aujourd’hui, j’emprunte la même route pour aller rencontrer des jeunes et des mentors autochtones, afin que nous puissions échanger et apprendre les uns des autres.
Voilà ce que peut être la réconciliation. Et c’est là que nous avons réalisé qu’il y avait une opportunité dans les circonstances actuelles, que quelque chose de bon pouvait en découler. Plutôt que de travailler les uns contre les autres, comment pouvons-nous avancer ensemble de façon constructive? Nous voulons faciliter la tâche à tous les jeunes qui viendront après nous.
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Geehaadastee/Shauna Yeomans-Lindstrom fait partie de la maison Yanyedi de la Première Nation Tlingit de Taku River. En 2016, elle a commencé à travailler pour la Première Nation Tlingit de Taku River en tant que gardienne de la terre. Elle vit actuellement à Atlin, en Colombie-Britannique.
Jewel Davies (Yekhunashîn/Khatuku) appartient au clan Dakl’awedi (Aigle/Orque) du peuple Tlingit de l’intérieur. Elle est membre de la Première Nation Carcross/Tagish, a grandi à Teslin et a vécu toute sa vie au Yukon. Elle poursuit actuellement ses études dans le cadre du programme de baccalauréat en gouvernance autochtone de l’Université du Yukon.