De nombreuses aires marines protégées du Canada comportent des mesures de protection faibles ou inefficaces contre les impacts du développement et de l’exploitation sur les écosystèmes.
Il y a quelques années, lorsque le Canada a annoncé que 14 % de ses océans étaient désormais protégés contre la surpêche, la pollution et le développement industriel, le monde entier a remarqué lction spectaculaire d’un nouveau champion de la conservation.
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Le Canada doit renforcer la protection de ses aires marines protégées, révèle un nouveau rapport
Par: SANDRA SCHWARTZ Le 10 novembre 2021
De nombreuses aires marines protégées du Canada comportent des mesures de protection faibles ou inefficaces contre les impacts du développement et de l’exploitation sur les écosystèmes.
Il y a quelques années, lorsque le Canada a annoncé que 14 % de ses océans étaient désormais protégés contre la surpêche, la pollution et le développement industriel, le monde entier a remarqué lction spectaculaire d’un nouveau champion de la conservation.
Rappelons que le pays s’était engagé, aux côtés de près de 200 autres signataires de la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations Unies, à protéger au moins 10 % de ses eaux territoriales à l’horizon 2020 afin de préserver la faune aquatique et autres formes de vie marine. Malgré cela, pendant des années, le curseur était resté bloqué à moins d’un pour cent. En 2019, l’échéance arrivant à grands pas, le Canada avait finalement frappé un grand coup en annonçant de nouvelles aires marines protégées (AMP) dans une proportion lui permettant de dépasser son objectif et de restaurer sa réputation de chef de file international en matière de conservation.
Cependant, cet épisode avait également soulevé une question fondamentale : dans cette quête pressante pour protéger de zones plus vastes de nos océans, sommes-nous en train de négliger la qualité de cette protection? La réponse à cette question semble être « oui », selon un nouveau rapport publié par la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Canada).
Dans sa première évaluation des AMP fédérales que le Canada comptabilise désormais dans ses objectifs de protection, la SNAP a pu constater que nombre d’entre elles comportent des mesures de protection faibles ou inefficaces contre les impacts du développement et de l’exploitation sur les écosystèmes. Grâce à un nouveau processus d’évaluation scientifique, la SNAP a analysé 18 AMP qui couvrent 8,3 % des océans du Canada, et a constaté que seulement sept sites, qui représentent moins de 7 % de la superficie totale examinée, ont été considérés comme « fortement protégés ». Les 11 autres sites, dont certains parmi les plus vastes, ont été évalués comme « faiblement protégés », « incompatibles avec une désignation de conservation » ou, dans un cas, sans protection prévue par la réglementation.
Le niveau de protection des AMP évaluées varie aussi considérablement d’une région à l’autre. Ainsi, dans la région de l’Atlantique, près de 80 % de la superficie des AMP évaluées est fortement protégée, 14 % est faiblement protégée et 6 % est incompatible avec la conservation.
Dans la région Pacifique par contre, seulement 38 % de la superficie évaluée est fortement protégée, 0,4 % est faiblement protégée et plus de 61 % est considérée comme incompatible avec la conservation de la biodiversité. Ce résultat s’explique principalement par l’AMP des îles Scott, un site marin faiblement protégé qui représente près de la moitié de la couverture des AMP dans le Pacifique.
Les conclusions du rapport arrivent à peine une semaine après la tenue de la quinzième Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15), où le Canada et d’autres pays se sont réunis pour finaliser un nouveau plan visant à endiguer la disparition des espèces au cours de la prochaine décennie. De nouveaux objectifs de conservation découlants de cette Conférence sont attendus au printemps prochain, et le Canada a déjà fait savoir qu’il entend protéger 25 % de ses milieux marins d’ici 2025 et au moins 30 % d’ici 2030.
Ces objectifs sont certes louables, mais le Canada se doit de presser le pas pour les atteindre. Selon le rapport de la SNAP, il a fallu en moyenne plus de sept ans pour que les AMP fédérales existantes passent du statut de « proposée » à celui de « désignée » et quatre autres années pour l’élaboration de leur plan de gestion.
D’après les scientifiques, les AMP comptent parmi les outils les plus efficaces pour restaurer les habitats marins, reconstituer la biodiversité et aider les espèces à s’adapter aux changements climatiques, mais à condition qu’elles soient bien protégées et gérées efficacement. Même si 7 % des océans de la planète sont officiellement considérés comme protégés, le Marine Conservation Institute estime que seulement 2,7 % offrent des conditions de protection adéquates pour assurer une conservation efficace.
Doté du plus long littoral au monde, longeant trois vastes régions océaniques, le Canada est positionné pour jouer un rôle de premier plan dans la sauvegarde de la vie marine. La communauté internationale est attentive aux efforts récemment déployés par le Canada pour établir de nouvelles AMP efficaces, en particulier dans les Maritimes. Il en va de même pour la promesse de plus que doubler les AMP actuelles au cours de la présente décennie.
En avril 2019, le Canada est devenu le premier pays à s’engager à appliquer des normes minimales de protection aux AMP pour y interdire certaines des activités les plus nuisibles, comme le chalutage de fond, les activités d’exploitation pétrolière et gazière, l’exploitation minière et les déversements. Pourtant, ces normes ne sont pas encore appliquées à grande échelle ou de manière cohérente, peut-on lire dans le rapport.
Le monde nous regarde. Les nombreuses recommandations du nouveau rapport de la SNAP sont un appel à l’action pour le Canada. Ces recommandations préconisent un renforcement des réglementations et des politiques pour permettre aux AMP canadiennes de jouer un rôle important sur le plan biologique dans la conservation de la vie marine.
Pour préserver la vie marine dont l’humanité dépend, le Canada doit impérativement protéger davantage ses océans à l’intérieur d’aires marines protégées. En outre, pour être un acteur de premier plan de la conservation marine, le Canada, dans sa course pour créer plus d’AMP, ne doit pas perdre de vue l’importance de la qualité de ces aires marines protégées.

Sandra Schwartz est la directrice générale nationale de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Canada).