Photo: Jillian / Adobe Stock
Lorsqu’il a été question de faire le point sur la situation du caribou au Canada, en tant qu’amoureuse inconditionnelle de la faune, j’ai saisi l’occasion.
Saviez-vous que le caribou au Canada est techniquement la même espèce (Rangifer tarandus) que le renne d’Europe du Nord et d’Asie1, ou que la population de caribous de la Porcupine au Yukon effectue chaque année la plus grande migration de tous les mammifères de la planète2?
Ces faits amusants et tant d’autres sont exactement la raison pour laquelle j’aime la faune. Je ne pouvais pas manquer cette occasion d’intervenir pour une espèce importante qui est en voie de disparition dans toutes les provinces du Canada, une espèce qui est au cœur de nombreuses cultures autochtones et qui constitue une façon importante d’évaluer la santé écologique de nos espaces naturels.
La protection du caribou est compliquée en raison de son vaste territoire de répartition et du fait qu’il franchit les frontières provinciales et nationales.
Pour moi, en apprendre davantage sur la biologie des animaux et mieux comprendre leur importance pour les Premières Nations – qui entretiennent des liens étroits avec le caribou depuis des milliers d’années – m’aide à mieux les apprécier et à saisir à quel point ils sont importants pour notre Grand Nord.
À cette fin, j’ai parlé à quelques membres du personnel de conservation de la SNAP : Malkolm Boothroyd de la SNAP Yukon et Pier-Olivier Boudreault de la SNAP Québec. De plus, je me suis entretenue avec Benoit Croteau et Iris Lochon, du bureau de l’Environnement de la Première Nation d’Abitibiwinni, à Pikogan, au Québec.
Il y a tant de choses à dire sur le caribou (et je n’arriverai qu’à gratter la surface) que ce blogue contient deux parties. Aujourd’hui, nous nous penchons sur la biologie et l’importance culturelle du caribou, ainsi que sur les principales menaces qui pèsent sur ses populations. En octobre, nous examinerons sa situation à l’échelle régionale au Canada.
La biologie du caribou

Figure 1: Aire de répartition mondiale du caribou et du renne3.
Lorsque j’ai dit que le caribou constitue une espèce, cela dépend du point de vue. On pourrait soutenir qu’il existe plusieurs espèces ou sous-espèces de caribous, caractérisées par et leur habitat leur biologie. Ces sous-espèces sont ensuite divisées en « populations » ou « troupeaux » qui restent généralement ensemble pendant leur migration dans leurs aires de répartition4.
Le caribou fait partie de la famille des Cervidae (cervidés), tout comme le cerf, le wapiti et l’orignal. Comme d’autres membres de ce groupe, les mâles (et, dans le cas du caribou, les femelles) développent de nouveaux bois chaque année5 – et les perdent en fin de saison. Là où les caribous diffèrent, c’est qu’ils ont des sabots très larges qui les aident à marcher sur la neige ou sur la terre meuble. De plus, ces sabots développent des arêtes affilées à l’automne qui les aident à briser la glace pour trouver de la nourriture. Ils ont également des manteaux épais qui leur permettent de vivre dans des environnements froids et enneigés6. 🫎
Le caribou a survécu à de multiples périodes glaciaires au cours de son règne de 1,8 million d’années et a survécu aux mammouths et aux félins à dents de sabre7. 🦣 On pourrait penser qu’ils résisteraient aux actions humaines et qu’ils continueraient d’exister pour toujours!
Malheureusement, ce n’est pas le cas. En fait, la plupart des populations de caribous au Canada sont menacées. Le caribou est un animal si sensible qu’il est considéré comme une espèce indicatrice, ce qui signifie qu’il sert d’indicateur de changements au sein d’un écosystème. Le caribou a besoin de forêts anciennes exemptes de perturbations : la présence du caribou est un indicateur de santé pour l’écosystème8.
Importance culturelle
Pour de nombreuses communautés autochtones du Nord, la survie est étroitement liée au caribou. Dana Tizya-Tramm, ancien chef de la Première Nation des Gwitchin Vuntut à Old Crow, au Yukon, territoire qui chevauche celui du lieu de reproduction de la harde de caribous de la Porcupine, a déclaré :
Nous sommes intrinsèquement liés à ces animaux. Ce qui leur arrive nous touche directement.
Au cours des 50 dernières années, la Nation Abitibiwinni a perdu le lien avec le caribou, car l’aire de répartition des animaux a été réduite au nord du territoire, où l’habitat est moins perturbé. Cette situation est difficile pour la culture de la Nation, car une grande partie de ses pratiques culturelles liées au caribou sont en voie de disparition, comme les outils, les vêtements et même la langue. Comme l’a dit Benoit Croteau, « Ce qui est inquiétant, c’est que si nous ne chassons pas pendant une décennie, nous perdrons lentement toute connaissance du caribou ». Les membres de la Nation s’abstiennent volontairement de chasser le caribou afin de protéger l’aire de répartition de la harde et de restaurer la population du caribou, dans l’espoir que la Nation puisse à nouveau chasser et ainsi rétablir le lien culturel.
L’importance du caribou comme source de nourriture est particulièrement importante, car les aliments dans le Nord sont de plus en plus inabordables. Néanmoins, de nombreuses communautés autochtones du Canada ont lancé les appels en faveur de la protection des populations de caribous, et la SNAP s’efforce d’appuyer leurs efforts de la manière la plus significative et efficace possible, notamment en travaillant en étroite collaboration avec les partenaires autochtones sur des projets de conservation du caribou et en appuyant les voix et les stratégies autochtones en matière d’intendance du caribou.
Photo: Michael Lookman
Le caribou en péril
Bien que les conditions de vie des caribous varient d’une province à l’autre, les menaces sont les mêmes pour bon nombre de ces espèces.
Les caribous ont besoin de vastes aires de répartition pour mettre bas et avoir accès à une nourriture adéquate au fil des saisons. Le caribou a évolué dans des habitats étendus et entièrement reliés : des paysages qui lui permettaient de manger les plantes disponibles dans une région, puis de migrer pour trouver plus de nourriture. Le défi est que ces grandes aires doivent rester libres de perturbations, ce qui est de plus en plus difficile à trouver de nos jours. Par exemple, pour donner aux troupeaux de caribous boréaux une chance de survivre, la science nous dit que nous devons conserver au moins 65 % de leur habitat non perturbé par l’activité humaine. Cela comprend, entre autres, la foresterie, l’exploitation minière, les lignes sismiques, les réseaux routiers, les activités pétrolières et gazières9. Les débalancements environnementaux tels que les feux de forêt et les infestations d’insectes sont également en cause10. 🛻
Lorsque leurs paysages sont perturbés par l’industrie, et que les forêts deviennent plus clairsemées ou morcelées en conséquence, il devient non seulement plus difficile pour le caribou de trouver de la nourriture, mais il devient également plus facile pour les prédateurs comme les loups de les chasser. C’est inquiétant parce que les populations dans certaines régions sont si précaires que même quelques décès supplémentaires sont néfastes pour la population en général11. Comme leur habitat est fragmenté, de nombreuses hardes de caribous ont diminué en nombre, et certaines d’entre elles ont carrément disparu. Certains troupeaux, tels que les populations de Val d’Or, Charlevoix et de la Gaspésie au Québec, ont été artificiellement clôturés pour garantir leur survie12. 🐺🐻
Dans de nombreuses régions du pays, les feux de forêt aggravent le problème des aires de répartition interrompues. Avant le développement industriel, si un feu de forêt se déclarait, des espèces sauvages comme le caribou pouvaient facilement s’échapper vers une zone non touchée. Aujourd’hui, le croisement des routes, des mines, des pipelines et des sites d’exploitation forestière nuit grandement à la capacité du caribou de fuir les incendies. En outre, les changements climatiques augmentent la fréquence et la gravité des feux de forêt. Nous nous inquiétons de la façon dont le caribou et ses écosystèmes seront touchés à l’avenir13. 🔥
Les menaces qui pèsent sur l’habitat du caribou rendent les aires protégées essentielles à leur survie. Les aires de répartition de l’espèce doivent être suffisamment vastes et reliées pour donner au caribou une chance de survivre. En favorisant l’établissement d’aires protégées efficaces partout au pays, la SNAP Canada contribue à faire en sorte que le caribou et d’autres espèces aient des espaces suffisamment grands pour répondre à leurs besoins biologiques. Alors, où en est le Canada dans la protection du caribou? ⛰️
Nous aborderons cette question dans la deuxième partie de cet article.
Ne manquez pas la suite de cet article dans le numéro du mois prochain. Je ferai le point sur la situation du caribou dans l’ensemble du Canada et sur ce que vous pouvez faire pour veiller à ce que ces magnifiques animaux soient bien protégés pour les générations à venir.

ARTICLE DE
Julianna Van Adrichem
Conseillère Nationale en Communications
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Sources:
- Caribou au Canada – Canada.ca ↩︎
- SNAP Yukon. Caribou de la Porcupine ↩︎
- Donna Naughton, Cephas: The Natural History of Canadian Mammals Image: U. of Toronto Press ↩︎
- Historical Climatology. Are Woodland Caribou Doomed by Climate Change? ↩︎
- Wikipedia. Cervidae ↩︎
- Caribou au Canada – Canada.ca ↩︎
- L’encyclopédie canadienne. Caribou ↩︎
- Benoit Croteau et Iris Lochon. Territoire et Environnement, Conseil de la Première Nation Abitibiwinni. (Entrevue du 28 août 2024) ↩︎
- Environment Canada. Strategy for the Woodland Caribou (Rangifer tarandus caribou), Boreal population, in Canada ↩︎
- Pier-Olivier Boudreault. SNAP Québec. (Entrevue du 24 juillet 2024) ↩︎
- Benoit Croteau et Iris Lochon. Territoire et Environnement, Conseil de la Première Nation Abitibiwinni. (Entrevue du 28 août 2024) ↩︎
- Pier-Olivier Boudreault. SNAP Québec. (Entrevue du 24 juillet 2024) ↩︎
- Moyles, Trina. The Narwhal. Wildfires are destroying habitat for Alberta’s ‘grey ghosts.’ Can they survive? ↩︎
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