Être une superpuissance des énergies renouvelables peut être le vent qui fait flotter notre drapeau, affirment les chefs de file de l’environnement
* Publié à l’origine dans le Hill Times du 11 juin 2025
Je vous écris au nom des dirigeants des plus grandes organisations environnementales du Canada, dont le Fonds mondial pour la nature (WWF) Canada, Défense environnementale, Équiterre, Greenpeace Canada, le Sierra Club Canada, West Coast Environmental Law, Nature Canada, la Fondation David Suzuki, Stand.earth et la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP).
Le premier ministre Mark Carney a réagi à la menace imminente posée par les droits de douane américains en prenant des mesures décisives sous la forme de la Loi visant à bâtir le Canada, et nous avons estimé qu’il était urgent de réagir d’une seule voix.
Fondamentalement, cette loi vise à accélérer les infrastructures jugées dans « l’intérêt national ». Mais sans une définition claire de ce qu’est cet intérêt – et sans les garanties appropriées – la loi risque de répéter les échecs écologiques et sociaux du passé du Canada.
Le projet de loi C-5 fait marche arrière dans l’avenir s’il vise à soutenir une industrie des combustibles fossiles désuète et coûteuse tout en s’orientant vers une dégradation climatique et environnementale. Cela laisserait la porte ouverte à la répétition des graves erreurs du passé, aux catastrophes écologiques et humaines telles que le DDT, l’essence au plomb, les rivières empoisonnées par le mercure, les effondrements de la pêche, les étangs bitumineux de Sydney, les nombreuses catastrophes minières et émissions de méthane et de CO2 nocives pour le climat.
Une « économie canadienne unique » doit défendre la nature, renforcer la protection de l’environnement et du climat et adopter les énergies renouvelables. Cette nouvelle vision de la prospérité reconnaît qu’il s’agit là des fondements de la sécurité et de la souveraineté nationales. Ce que nous construisons est tout aussi important que la façon dont nous le construisons et définira le patrimoine économique et écologique du Canada.
Et si l’édification de la nation ressemblait à ceci…
Un réseau électrique est-ouest modernisé offrant aux Canadiens et aux Canadiennes une énergie propre et fiable, permettant ainsi de réduire les émissions, de diminuer les coûts et d’assurer l’indépendance énergétique.
Un train à grande vitesse, à commencer par des liaisons ferroviaires à grande vitesse entre Calgary et Edmonton, et entre Windsor et Québec, construit en partenariat avec les Nations autochtones. Cela permettra de débloquer de nouveaux corridors d’activité économique tout en réduisant la pollution.
Élargir les services de transport en commun pour desservir les collectivités rurales et éloignées qui, pendant trop longtemps, n’ont pas eu accès à des moyens de transport abordables, durables et sécuritaires.
Photo : Éoliennes maritimes, par Chris RT
Construire de nouvelles maisons écoénergétiques à grande échelle à l’aide de matériaux de construction durables à faibles émissions de carbone fabriqués au Canada et investir dans des usines de fabrication ou d’assemblage de pompes à chaleur, ce qui créera des milliers de nouveaux emplois.
Faire du Canada une superpuissance des énergies renouvelables, et non un État pétrolier. À cette fin, il faudra investir dans les projets d’énergie solaire, éolienne, géothermique et de stockage souhaités par les collectivités, et les construire dans des endroits qui épargnent les écosystèmes et les espèces vulnérables et qui respectent les limites écologiques des écosystèmes déjà mis à rude épreuve par l’industrialisation passée. Cela signifie des solutions climatiques fondées sur la nature, comme la restauration des zones humides, des forêts, des terres agricoles et des tourbières qui protègent la biodiversité tout en absorbant et en piégeant le carbone.
C’est le genre de projets que les Canadiens veulent appuyer avec l’argent de leurs impôts – des projets audacieux, transformateurs et tournés vers l’avenir.
Photo : Incendie de forêt, par Tandem Stock
Le Canada compte un riche héritage d’investissements publics qui ont changé le pays pour le mieux. Des projets qui défendent ce que nous aimons tout en nous préparant pour l’avenir. Nous pouvons montrer au monde ce que des gestes d’imagination collective et de réflexion à long terme peuvent accomplir.
Aujourd’hui, avec la flambée des catastrophes climatiques comme des incendies qui forcent des évacuations et étouffent les villes avec de la fumée, il n’y a pas de place pour des décisions à court termes qui jouent avec notre avenir. Donc, si la construction d’une nation signifie réduire les protections environnementales et mettre de côté les droits des Peuples Autochtones, ce n’est pas un progrès, mais plutôt un pas en arrière.
À l’heure actuelle, le projet de Loi visant à bâtir le Canada du gouvernement fédéral risque de n’être guère plus qu’une attaque ciblée contre les mesures de protection de l’environnement et le processus démocratique, tout cela dans le but de favoriser les intérêts des entreprises.
Le projet de loi C-5, tel que présenté à la Chambre des communes le 6 juin, donne au Cabinet le pouvoir étendu de désigner des projets d’« intérêt national » et de les faire adopter à toute vapeur, en contournant de multiples lois environnementales – y compris la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur les pêches et la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. C’est contraire à la primauté du droit.
Si le projet de loi est adopté tel quel, il menace de réduire la science au silence, d’affaiblir la surveillance publique et de faire fi des droits des Peuples Autochtones. Promettre une « consultation » tout en accélérant les approbations n’est pas une réconciliation. C’est une régression.
L’approche du projet de loi s’enracine dans une idée dépassée du progrès. Si l’objectif est de construire plus vite, la solution ne réside pas dans moins de règles, mais plutôt dans l’application de nos règles éprouvées et fondées sur des données probantes. Cela dans le but d’aider à cerner des projets gagnants-gagnants qui progressent rapidement parce qu’ils sont fidèles à ce que nous dit la science en matière d’environnement et de santé, et qu’ils correspondent à nos valeurs et à nos objectifs environnementaux, et non pas aux seuls intérêts des entreprises.

Photo : Veau de caribou (Rangifer tarandus) en voie de disparition sur une route, par Graeme J.
Le premier ministre Carney, son Cabinet et le Parlement ont encore le temps de corriger le projet de loi C-5 et d’offrir une vision de l’édification de la nation qui reflète ce que nous sommes en tant que Canadiens et Canadiennes : des personnes qui se soucient de la qualité de l’air et de l’eau, qui respectent les droits des Peuples Autochtones et qui savent que la véritable prospérité ne peut pas se faire au détriment de la nature.
L’occasion est ici maintenant, et elle est de taille.
Bâtissons un pays dont nos petits-enfants seront fiers d’hériter, non seulement pour les routes et les chemins de fer que nous construisons, mais aussi pour les rivières sauvages qui coulent encore librement.
Article écrit par :
Collaborateurs :
- Maggy Burns (directrice générale d’Action Écologie Canada)
- Jessica Clogg (directrice générale et avocate-conseil de la West Coast Environmental Law Association)
- Christy Ferguson (directrice générale de Greenpeace Canada)
- Gretchen Fitzgerald (directrice générale du Sierra Club Canada)
- Tim Gray (directeur général de Défense environnementale)
- Megan Leslie (présidente et chef de la direction de WWF Canada)
- Liz McDowell (directrice principale des campagnes de Stand.earth)
- Emily McMillan (directrice générale de Nature Canada)
- Linda Nowlan (directrice générale par intérim, Fondation David Suzuki)
- Colleen Thorpe (directrice générale d’Équiterre)
Photo de bannière : N.Mainville
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