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Opinion : Les aires protégées autochtones peuvent contribuer à préserver la biodiversité de l’Alberta

PAR KECIA KERR Le 3 DÉCEMBRE 2022

La semaine prochaine, des milliers de délégués de 196 pays se réuniront à Montréal pour la 15e Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la biodiversité. L’objectif est de parvenir à un accord mondial en vue de mettre fin à la perte de biodiversité et de renverser la tendance, allant du niveau de la génétique jusqu’à l’ensemble des écosystèmes. Les décisions prises à Montréal lors de cette « COP Nature » auront des répercussions sur la nature en Alberta, au Canada et partout dans le monde. 

La perte de biodiversité et le déclin de populations s’étendent à l’ensemble de la planète, et nous nous trouvons actuellement dans une situation tragique qui constitue un événement d’extinction massive. Cette sixième extinction massive est la seule extinction massive jamais provoquée par une espèce (la nôtre!). L’Alberta et le Canada ne sont pas à l’abri de cette crise de la biodiversité. Au pays, la survie d’une espèce sur cinq est menacée jusqu’à un certain point et de nombreuses espèces qui ne sont pas encore « en péril » connaissent un déclin marqué. Une action urgente s’impose.  

L’un des plus importants thèmes de discussion à Montréal consistera à négocier une cible pour la protection de 30 pour cent des terres et des océans d’ici 2030 (parfois appelé « 30 par 30 ») afin d’assurer la protection des habitats. Même si le discours populaire ces temps-ci est de faire valoir les opinions nettement distinctes de l’Alberta par rapport à celles du gouvernement fédéral en ce qui concerne certains enjeux, ce n’est pas le cas ici.  

Selon un nouveau sondage d’opinion publique, 85 pour cent des personnes interrogées appuyaient l’engagement à l’égard de la cible internationale de protection de 30 pour cent d’ici 2030. La grande majorité des Albertains (77 pour cent) appuie la création de plus d’aires protégées afin de protéger l’habitat faunique, et presque tous (95 pour cent) ont indiqué être préoccupés par la perte de biodiversité et le déclin d’espèces sauvages. Bref, les Albertains veulent plus de parcs et réclament une amélioration des conditions pour la nature et la faune. 

Comment pouvons-nous y parvenir? La cible de 30 % d’ici 2030 est ambitieuse et il faudra des solutions nouvelles et variées afin de l’atteindre. Arrivent alors les « aires protégées et de conservation autochtones (APCA) ». Cet outil de conservation relativement nouveau protège à la fois les valeurs naturelles et culturelles des communautés autochtones, tout en valorisant leurs droits et leurs responsabilités.

Ce concept est nouveau pour beaucoup d’entre nous, mais les APCA présentent un énorme potentiel comme outil pour protéger la biodiversité, maintenir les liens de la communauté avec le territoire, jouer le rôle de solution naturelle aux changements climatiques, et contribuer à la réconciliation entre les peuples autochtones et allochtones. Les APCA reposent sur trois critères fondamentaux et cruciaux : tout d’abord, elles doivent être dirigées par des Autochtones; deuxièmement, elles doivent faire l’objet d’un engagement à long terme envers la conservation; et troisièmement, elles doivent valoriser les droits et les responsabilités des communautés autochtones. L’Alberta n’a pas encore d’APCA, mais de nombreuses occasions d’APCA devraient se présenter dans le futur : plusieurs propositions de la part de communautés autochtones ont déjà été publiées. 

Les droits des Autochtones et les effets sur l’environnement n’ont jamais pesé lourd dans la balance par rapport aux avantages économiques tirés du développement industriel. Les zones intactes susceptibles de faire l’objet de droits conférés par traités sont sans cesse sapées par des projets industriels, ce qui a des répercussions sur la sécurité alimentaire, de même que sur les pratiques culturelles associées à des liens intacts avec le territoire.

Les Premières Nations ont commencé à engager des poursuites contre la province pour ces répercussions directes sur les droits conférés par traités et cela devrait continuer au cours des prochains mois et des prochaines années. Malgré la relative nouveauté du concept des APCA, la moitié des personnes interrogées ont exprimé un soutien envers les APCA en tant qu’outil de conservation dans la province, alors que 26 pour cent des personnes ont indiqué être neutres, ce qui s’explique peut-être par le fait que personne n’en a encore vu d’exemple ici. Geste de réconciliation, les APCA offrent une façon de recentrer les besoins et les espoirs des communautés autochtones en matière de conservation, tout en procurant à tous les Albertains les avantages associés à des populations fauniques et des paysages en santé.  

Ces dernières années, les Albertains ont exprimé très clairement leur attachement à leurs parcs (notamment #DefendABParks) et leur fierté envers le patrimoine naturel de la province. Par conséquent, tous les Albertains devraient s’intéresser à la COP Nature et exprimer leur appui pour plus d’aires protégées, y compris des aires protégées et de conservation autochtones (APCA), afin de mettre fin au déclin sans précédent de la nature.  

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Kecia Kerr est la directrice générale de la section du nord de l’Alberta de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Alberta nord) et est titulaire d’un doctorat en biologie. Elle participera à la COP15 à Montréal en compagnie de plusieurs de ses collègues.